Il y a des gens qui remplissent l’espace avec des mots, et puis il y a ceux comme Alex, qui préfèrent mettre leur énergie au bon endroit, au bon moment. Sans bruit, sans esbroufe. Une présence. Solide, calme, simple, profondément juste.

« Je parle peu, mais j’observe beaucoup », dit-il, sourire discret, regard clair et pétillant. Ce qu’il aime avant tout, c’est l’action. Travailler la matière, être au contact de ce qui est tangible, vivant. Menuisier de métier, il sculpte le bois avec la même exigence que celle qu’il met dans ses manœuvres sur un TF35 : recherche d’équilibre, de finesse, d'efficacité. « J’ai besoin d’être actif, de produire, pas de rester derrière un bureau. » Il lui faut sentir les éléments, réaliser le bon geste, relever les défis.

La voile, Alex la découvre en famille. « C’est notre père qui nous a initiés, avec mon frère Yves. Il avait un bateau. Il gérait les jeunes du club à Montreux et nous emmenait un peu partout. » Contrairement à beaucoup, pas de gamme d’Optimist pour Alex. Il commence directement sur un dériveur (l’Equipe) puis navigue sur des monocoques de croisière avant de plonger dans les régates en Surprise, puis en D35 et en TF35, toujours à sa façon.

« Je suis un régatier, clairement. Ce que j’aime, c’est quand l’équipage fait la différence. Pas trop le hasard. Mais la tactique, la précision, le travail collectif. » Les courses en solitaire ? Pas son truc. Les courses longue distance ? Non plus. Même s’il admet un faible pour les 5 Jours du Léman. « Je les ai faits quatre ou cinq fois. C’est magnifique. Le cadre, la lumière, la monotypie… j’y retournerai un jour, ça me titille.»

Pour Alex, la régate, c’est d’abord un sport d’équipe. « Ce que j’aime, c’est quand chacun a un rôle bien défini. Une obligation de faire bien ensemble. Sinon, si on loupe, tout le monde loupe. » Chez ZEN Too, il est numéro 1. « Je m’occupe des changements de voile d’avant, certains réglages de la Grand-voile, cunni, la rot de mât. Je gère le rake pour le vol. C’est un poste manœuvres. » Posé, concentré, jamais d’agitation inutile. Une forme de zen dans la tension. Même son vieux surnom, Pupuce, fait sourire par contraste avec son gabarit. « C’est vieux ça… mais oui, ça me collait à l’époque. »

Quand il évoque un souvenir marquant, sa réponse fuse : « Le Bol d’Or 2019. La tempête. Incroyable, violent, unique. On ne s’attendait pas à ça. Une fois ça va, mais pas deux… ». Mais ce sont les moments silencieux qui le touchent le plus. Naviguer la nuit, voir les lumières du lac. Une paix qu’il retrouve aussi à la montagne, en télémark ou en ski, loin de la performance, proche de l’équilibre. C’est cette passion pour la voile et cette recherche d’harmonie qu’il a à cœur de transmettre à sa famille, qui le soutient et le suit depuis toujours.

Son parcours professionnel suit la même logique. Après un CFC de menuiserie, il monte sa propre société et dirige une quinzaine de personnes. Mais les papiers l’éloignent du concret. « Je me retrouvais derrière un ordinateur. Ce n’était plus moi. Aujourd’hui je travaille seul, et ça me va. » Revenir à l’essentiel, encore et toujours.

Ses rêves ? Pourquoi pas naviguer un jour sur un Maxi comme Sodebo ou Banque Populaire. Mais en équipage, pas en solo. Quant aux jeunes qui veulent se lancer en tant que professionnels, son regard est lucide : « Il y a deux ans, j’aurais dit « fonce ». Aujourd’hui, la donne change. Certains programmes demandent plus des athlètes de salle de sport que des voileux. Mais la voile reste un sport complet, riche d’apprentissages. Je le conseille à tous. »

Alex ne cherche pas à impressionner. Il veut juste rester fidèle à lui-même. Pas de mentor, ni de modèle. « J’aime faire les choses de moi-même. » Et il le fait bien. Avec rigueur, simplicité et une force tranquille qui en dit long.

Alex Detrey, numéro 1 de ZEN Too