Il y a ceux qui naissent les pieds dans les embruns. Et puis il y a Nicolas. Enfant, il redoute même les pontons. L’univers nautique l’intimide, le contact de l’eau l’effraie, jusqu’au jour, à l’âge de sept ans, où un bateau de pêcheur en métal bouleverse tout.
« Comment ça peut flotter, un truc en métal ? Ce n’est pas normal… », se demande-t-il alors. La question le fascine. Le doute recule, la curiosité prend le large. Sans le savoir, un sillage vient de se tracer devant lui. À neuf ans, son père l’inscrit, sans concertation, au Club nautique de Founex. Nicolas n’a pas le cœur de dire non. Malgré la peur de couler, malgré l’appréhension, il y va. D’abord pour faire plaisir. Puis, par défi. Enfin, par passion.
Nicolas n’est pas de ceux qu’on imagine passer huit heures par jour derrière un bureau. L’école ? Il s’en sort bien, mais il veut autre chose. Il a besoin de comprendre avec les mains, de modeler les matériaux. Après un stage chez Luthi, tout s’enclenche : un CFC de constructeur de bateaux, puis une maturité et une envie de rester au plus près de ce qui flotte. Curieux de nature, Nicolas tente une incursion à l’EPFL, toujours hanté par cette question de flottaison. Cette expérience confirme ce qu’il pressent déjà : les mathématiques ne lui parlent pas, mais les bateaux, eux, lui répondent.
De la construction pure, il glisse peu à peu vers la régate et la compétition. En 2004, il rejoint l’univers des D35 et collabore avec l’équipe d’Alinghi. Deux années passionnantes à préparer le bateau et à naviguer. Mais bientôt, ce rôle ne lui suffit plus. Il veut aller plus loin, et décide, avec une équipe de préparateurs, de proposer un nouveau service aux skippers. C’est ainsi que naît, en 2006, SUI 46°16’, sa propre entreprise de gestion technique et logistique pour les bateaux. Un tournant. Il peut désormais offrir un accompagnement global aux projets nautiques. Une manière de rester au plus près de la course, tout en maîtrisant les outils, les méthodes et les innovations.
Aujourd’hui, au sein de l’équipe ZEN Too, Nicolas est boat captain. Il ne mène pas le bateau, mais tout ce qui le fait fonctionner. Il orchestre la logistique, anticipe les problèmes techniques, encadre les opérations. Il aime être sur le pont dès l’aube, souvent avant tout le monde, pour prendre le pouls du TF35 en silence, avant l’effervescence des régates. Pour lui, la clé de la réussite dans un tel projet, ne réside pas seulement dans la mécanique : c’est avant tout une affaire d’humain. Car au-delà de la technique, ce sont les liens d’équipe, l’envie de faire ensemble, qui donnent du sens à son travail.
« Le sport d’équipe, c’est un peu de la chimie. Il faut savoir utiliser les forces et transformer parfois les humeurs de chacun en énergie constructive. Rechercher l’équilibre pour ne faire qu’un, être soudé et rester passionné, pour performer, » explique Nicolas. Il aime cette alchimie, même quand elle ne mène pas toujours à la victoire. Car les échecs aussi enseignent, et permettent d’avancer.
Ce qui le porte ? L’évolution. Celle des projets, des idées. « Ce que j’aime, c’est quand ça bouge, quand ça évolue, » nous confie-t-il. Mais dans sa vie personnelle, Nicolas aspire plutôt au calme, à l’épure, à un peu moins de responsabilités. Un refuge qu’il trouve parfois en montagne, parfois sur un bateau, en famille.
Son plus beau souvenir ? Une régate sur le Léman : de belles conditions, un bateau fluide, une victoire méritée. Et surtout, cette sensation unique d’être exactement à sa place, au cœur d’un moment suspendu.
Nicolas est un bâtisseur : de bateaux, de structures, d’équipes, de zénitude. Il incarne un équilibre subtil entre rigueur technique et intuition humaine. Et à travers ZEN Too comme SUI 46°16’, il poursuit sa quête de ce qui fait progresser, de ce qu’il reste à inventer.
Nicolas Rossier, Boat captain de ZEN Too